Édito des bulletins L'Étincelle du 5 avril 2010
Les financiers de la City de Londres, tout à leur cynisme de profiteurs qui pensent facilement « salauds de pauvres ! », se sont amusés à baptiser quatre pays de la zone euro, le Portugal, l’Irlande, l’Italie, la Grèce et l’Espagne (en anglais, Spain), les « PIIGS » (ce qui en français ferait ‘les coochons !’). Le terme, plus injurieux encore en anglais qu’en français, a de quoi en fait s’appliquer à leurs auteurs, ces spéculateurs institutionnels des pays les plus riches qui étranglent les pays d’Europe les plus fragilisés par la crise.
C’est ainsi que les dirigeants des 16 pays de la zone, avec en tête Angela Merkel, ont récemment décidé de mesures et sanctions contre l’Etat grec. Ce conseil de discipline inter-étatique a décidé que 20 milliards d’euros pourraient encore être prêtés à la Grèce pour avance de trésorerie, prélevée sur les caisses de l’Europe et du FMI, mais en échange d’économies drastiques sur les dépenses publiques. C’est-à-dire sur le niveau de vie des populations.
Faire payer « le cochon de contribuable »…
Passage de la TVA de 19 % à 21 %, poursuite des privatisations et suppressions d’effectifs dans les services publics, baisse des salaires des fonctionnaires, gel des pensions et report de deux ans de l’âge de la retraite, voilà les mesures que les classes populaires devraient prendre de plein fouet. Dans un pays où 30 % des jeunes sont au chômage, où le salaire minimum est de 700 euros, où 60 % des retraités ont moins de 600 euros pour vivre, c’est un programme qui enfonce la tête des gens sous l’eau. Décidé pourtant avec la bénédiction du gouvernement socialiste de la Grèce, comme du « socialiste » Strauss-Kahn au FMI. Bref, ce que les banques et les Etats de l’Union exigent de la Grèce, c’est d’accroître la pauvreté de la population… pour rétablir la confiance des marchés.
Car les financiers sont inquiets, voyez-vous, malgré leurs traits d’humour porcin. Ils ont des doutes sur la capacité de nombreux États à rembourser les prêteurs privés. Et il est vrai que les dettes d’États comme Grèce, mais aussi la France ou les Etats-Unis, ont explosé ces dernières années, pour la bonne raison que leurs dirigeants ont pillé les caisses publiques afin de « sauver » leurs capitalistes !
Les bourses mondiales sont pourtant reparties, et en France les actionnaires du CAC 40 devraient palper 35,5 milliards d’euros de dividendes en 2010 (un peu plus qu’en 2009 et presque autant qu’en 2008). Mais maintenant qu’ils ont repris du poil de la bête, les argentiers privés se permettent justement : 1. de dénoncer l’endettement des mêmes États qui les ont tirés du gouffre ; 2. de spéculer sur la dette des plus fragiles d’entre eux ; et 3. d’exiger que la population paie une seconde fois l’addition !
Faudra-t-il qu’à coups de programmes d’austérité, les travailleurs renflouent les mastodontes de l’industrie et de la finance ? Le peuple grec est le premier bouc émissaire, mais bien d’autres, y compris en France, pourraient être dans le collimateur demain.
… ou les vautours de la Bourse ?
Sauf si les populations décident de trouver l’addition vraiment trop salée. Depuis deux mois, par des journées de grève générale, les Grecs montrent leur détermination à refuser de payer ces dettes qui ne sont pas les leurs. Le 24 février, puis le 11 mars, le pays a été totalement paralysé, des chemins de fer jusqu’aux ferries pour les îles grecques. Des manifestations massives ont rassemblé des dizaines de milliers de jeunes, de salariés et retraités. Une nouvelle journée devrait avoir lieu en avril.
La colère populaire qui s’exprime en Grèce sous forme de jours de grève générale, est celle qui s’exprime ici aussi, depuis des mois, par une multitude de grèves isolées ou de gestes désespérés comme celui des Sodimatex menaçant de faire sauter leur usine. Il faudra bien en arriver à un embrasement général, à une riposte collective contre patrons et gouvernants qui à l’échelle européenne et sous l’égide des huissiers et des vautours du FMI, s’organisent pour exercer le racket du monde du travail.